Reseau Actif on Sun, 7 Nov 2004 04:52:11 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] ARTICLE DANS LE MONDE |
L'ART CONTEMPORAIN EST-IL CONTEMPORAIN ? par Fred Forest Journal Le Monde, daté du samedi 30/10/2004, page 21 " Deux manifestations majeures pour l'art contemporain viennent de fermer leurs portes à Paris. La FIAC, organisée cette année sous la houlette artistique de Jennifer Flay, et Art Paris, par un homme d'expérience en la matière, s'il en est, Henri Jobbe-Duval : de longues années durant, il avait présidé aux activités de la FIAC. Pour le visiteur en quête d'initiation, ces manifestations, au-delà de leur intérêt respectif, en fonction des moyens financiers inégaux mis en oeuvre, offrent un panorama assez représentatif de l'art contemporain national et international. De quelle nature est la réflexion dont peut se nourrir la démarche de ce visiteur, curieux et attentif, qui parcourt au pas de course plus de 300 stands, un dimanche après-midi ? Si ce visiteur, par une sorte de miracle improbable, a pu échapper à la prégnance des modèles officiels de l'art contemporain et qu'il n'est pas "sous influence", livré sans défense au credo de l'idéologie dominante du marché, il fera quelques constatations élémentaires. Tout d'abord, il devra bien admettre que le médium prépondérant, de très loin, quoi qu'on en dise, reste encore la peinture, le papier à dessin et ses dérivés. Bien entendu, les objets, les installations et surtout la photo, signe d'évolution, ont depuis quelques années pénétré en force dans les allées de la FIAC. A contrario, on constatera que la vidéo et la section spécifique qui lui était consacrée jadis sont passées sans appel à la trappe. La vidéo a été, signe des temps, remplacée, avantageusement, par un département design d'un excellent niveau, mais qui témoigne, une fois de plus, que le commerce de l'art et sa rentabilité sont étroitement liés encore à sa matérialité d'"objet". Notre visiteur, son tour des galeries effectué, repartira perplexe de la FIAC, car il n'y aura rien vu, ou pas grand-chose, traitant plastiquement et métaphoriquement de la crise que la société traverse. Le vert et le rose bonbon dominent. L'esthétique de l'objet et sa fonction "décorative" sont ici prépondérantes. L'économie de l'activité artistique (le marché de l'art) est, de façon quasi exclusive, encore fondée sur une circulation, un échange et une économie de l'objet. De l'objet destiné à être accroché sur le mur ou mis en scène dans une inclusion de plastique, bien en vue, quelque part, de préférence à l'entrée, dans le loft-appartement, surtout quand il est, par chance, signé Arman, Carl André, ou mieux encore (mais l'investissement est plus élevé) Jeffs Koons ou Maurizio Cattelan. Alors que nous sommes entrés de plain-pied dans la société d'information et de services, au quotidien, il est pour le moins paradoxal que l'art contemporain, que notre visiteur découvre, témoigne d'une glorification décorative de la matérialité artisanale et non, en priorité, d'une recherche de sens avec les "immatériaux" dont dispose désormais l'artiste. Cela voudrait-il dire qu'en art il n'y a pas de marché véritable pour le sens, mais essentiellement pour le décoratif branché ? Cela voudrait-il dire que les artistes, se bornant à répéter des formes et des modèles au gré des modes, sont incapables, foncièrement, d'inventer des formes d'art en adéquation avec leur temps ? C'est-à-dire, comme nous l'apprend l'histoire de l'art si on la revisite, en adéquation sensible avec les connaissances, les techniques, les savoir-faire, les comportements, et les événements marquants de leur époque ? Certainement pas. Mais il faut bien le constater, le système de l'art contemporain est entièrement régi et commandé par l'économie et le marketing, comme le faisait remarquer Milton Esterow, rédacteur en chef de la revue américaine ARTnews. Avant même les institutions et les revues d'art, les "grands" collectionneurs constituent la véritable puissance qui fonde et impose les valeurs de l'art contemporain ! C'est bien l'économie qui gouverne un art contemporain qui, dans ses formes et ses modèles, vise un marché encore exclusivement centré sur l'objet, alors que le devenir et les pratiques de la société sont déjà alignés étroitement sur l'économie de l'information et du virtuel. L'art contemporain et ses artistes doivent donc dépasser ces contradictions et répondre au défi du sens qui fera que ce ne sera pas, demain, Charles Saatchi (agence de publicité), François Pinault (Christie's), le comte Giuseppe Panza (industriel italien), et quelques autres collectionneurs et financiers de haut vol qui seront considérés, à tort ou à raison, par les historiens de l'art comme les véritables "artistes" qui auront imaginé, inventé, et produit les valeurs de notre temps ". par Fred Forest Fred Forest est artiste multimédia, Docteur d'Etat de la Sorbonne, professeur émérite de l'université de Nice - Sophia-antipolis. . ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.10.04 < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net