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[nettime-fr] Mais que cache la CNIL ? Des milices, un alinéa douteu x, un point noir constitutionnel ?


Mais que cache la CNIL ? Des milices, un alinéa douteux, un point noir constitutionnel ?




Paris le 19 avril 2005 - Quelque peu contrainte et forcée par la Ligue ODEBI, [1] la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a confirmé sur son site le 8 avril dernier qu'elle a autorisé le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) à utiliser des agents logiciels pour détecter, pister, menacer et poursuivre les internautes français présumés contrefacteurs. [2] 
Contactée depuis à plusieurs reprises par l'initiative EUCD.INFO qui suit ce dossier depuis plus de deux ans, [3] et bien que la décision ait été prise le 24 mars dernier, la CNIL refuse toujours de la communiquer, retardant d'autant ceux qui voudraient l'étudier pour le cas échéant la contester.[4] 
L'initiative EUCD.INFO estime qu'un tel comportement est inacceptable. Il est à l'opposé de la transparence que l'on peut légitimement attendre de la CNIL au regard de sa mission. Il empêche le débat public et d'éventuels recours, et, en période référendaire, conduit à toutes sortes d'interrogations. 
 
Par peur d'alimenter le vote sanction, la CNIL craindrait-elle que les internautes français s'aperçoivent que - depuis le détricotage de la loi Informatique et Libertés orchestré l'été dernier par deux parlementaires membres de la CNIL, l'argument " légitime défense de droits voisins du droit d'auteur " permet à des multinationales comme Microsoft et Vivendi Universal de former des milices ? [5] 
Ou prendrait-on conscience subito, en parcourant la décision de la CNIL, de la portée effective d'une assertion comme " la propriété intellectuelle est protégée " quand elle se trouve dans une charte ayant valeur constitutionnelle et ne listant autrement que des droits fondamentaux rattachés à la personne ? [6] 
Dans l'Europe des 25, la protection de la propriété intellectuelle des entreprises passerait-elle avant la protection des droits fondamentaux des internautes, comme le droit à la protection des données personnelles, la présomption d'innocence ou les droits de la défense ? [7] 
Ou peut-être assiste-t-on à un remake du black-out observé par le Conseil Constitutionnel l'année dernière, juste avant les élections européennes, alors que les internautes français attendaient une décision importante pour leur liberté d'expression, qui, d'ailleurs, une fois publiée, après qu'ils aient voté, révéla sa portée au grand jour ? [8] 
A moins que la CNIL ne s'auto-censure par peur de se faire sermonner par le groupe Article 29 (G29), la CNIL des CNIL, l'autorité indépendante européenne ? Il est vrai que le G29 a rappellé il y a moins de trois mois que le balayage d'internet à grande échelle à des fins de détection de comportements délictuels présumés, et la collecte automatisée d'éléments permettant l'identification de suspects et de preuves relèvent, dans l'Union Européenne, de la compétence des autorités judiciaires. [9] 
Or le SELL n'est pas une autorité judiciaire. Si ? Ou peut-être que la France ne fait plus partie de l'Union Européenne ? Ou bien la doctrine du G29 a récemment changé, tout comme celle de la CNIL, et personne ne le sait ?[10] Ou alors les avis du G29 sont purement décoratifs ?[11] 
 
Quoiqu'il en soit, l'initiative EUCD.INFO demande la publication de la décision en question sur le site de la CNIL et, à l'issue de sa prochaine séance plénière (le 21 avril), de la délibération et du procès-verbal d'assemblée dans les conditions prévues à l'article 8 de son réglement intérieur. [12] 
Si ces documents sont rendus publics rapidement, le G29, des associations, des juristes, des hommes politiques, des internautes pourront en effet réagir ou être interpellés avant le 29 mai. Et si débat il ya, les électeurs français disposeront peut être alors de nouveaux éléments de réflexion sur la valeur, la portée et les interprétations que l'on peut faire de la Charte des droits fondamentaux et de leur Constitution, ainsi que sur le fonctionnement et l'utilité réelle des institutions nationales et européenne chargées de protéger leurs droits et libertés. 
 
Références :
[1] ODEBI : " La CNIL s'apprêterait à parjurer sa mission en privatisant la police du Net " (31/03/05) 
http://www.odebi.org/new/theme/accueil.php?a=258 
[2] CNIL : " Peer to peer : première autorisation de la CNIL relative aux logiciels de  loisirs " (12/04/05) 
http://www.cnil.fr/index.php?id=1801 
[3] EUCD.INFO : Note d'information remise à un membre de la CNIL en février 2003 lors d'une audition par la commission " PLA et Libertés Individuelles " du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) alors que des traitements automatisés, à l'époque non autorisés par la CNIL, se multipliaient (07/02/03) 
http://eucd.info/cspla-2003-02-07.pdf 
[4] Les Échos : " La CNIL autorise le traçage des pirates sur le Net " - E. Paquette (10/04/05) 
La CNIL autorise des entités privées, dont Microsoft et Vivendi Universal [membres du SELL NDLR] à effectuer des opérations policières. "Cette position est inacceptable pour les internautes français, et ne pourra provoquer que de vives réactions", estime le porte-parole de la ligue Odébi. La ligue ainsi qu'EUCD.info, envisagent de porter plainte devant le Conseil d'Etat. " 
[5] EUCD.INFO : " Milices ! Ouvrez ! " (27/04/04) 
" En cherchant à transférer une mission de police judiciaire à des acteurs privés, et en leur autorisant l'utilisation de techniques habituellement mises en oeuvre par des officiers de police judiciaire dans le cadre d'enquêtes liées à la pédophilie, au terrorisme ou au trafic de drogue, . [...]. le député Delattre propose en fait, au nom de la lutte contre la contrefaçon, de piétiner les droits fondamentaux des internautes et les principes prévalant dans un État de droit. " 
[NB : L'alinéa dénoncé dans ce communiqué est actuellement utilisé par la CNIL pour justifier sa décision. Porté par le sénateur UMP Alex Turk, il fut définitivement adopté le 15 juillet 2004 par le Sénat. Déjà président de la CNIL à l'époque, M. Turk était alors aussi rapporteur au Sénat sur le projet de loi de réforme de la loi Informatiques et Libertés, tout comme l'était le porteur de l'amendement à l'Assemblée, le député UMP Francsik Delattre. M. Delattre était (et est toujours) aussi commissaire à la CNIL. L'amendement ne fut pas censuré par le Conseil constitutionnel (CC) saisi par l'opposition. Le CC déclara, en substance, que la le droit d'auteur et les droits voisins devait être protégée, et que la CNIL, autorité " indépendante ", veillerait au grain ...] 
http://eucd.info/pr-2004-04-27.fr.php 
[6] Article 17.2 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne 
" La propriété intellectuelle est protégée. " 
http://europa.eu.int/comm/justice_home/unit/charte/fr/charter-freedoms.html 
[7]" Cause Commune " - Phillipe Aigrain - Fayard Tranversales - (2005) - p. 142 
" Ce tour de passe-passe permet de masquer l'introduction dans le texte (aujourd'hui part de la Constitution européenne soumise à ratification) d'une machine à déposséder les individus de leurs droits fondamentaux. " 
[8] Zdnet : " LCEN: le Conseil constitutionnel censure l'"amendement Devedjian" " E. Dumout (15/06/04) 
" Cette précision est de prime importance, et devrait désormais figurer en bonne place dans les livres de droit. Le Conseil a opéré "une rénovation de sa jurisprudence dans l'articulation du droit constitutionnel et du droit communautaire", reconnaissent les Sages. L'examen de la LCEN a été l'occasion pour eux de régler la question lancinante de sa compétence face à un texte européen. " 
http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39157007,00.htm 
[9] EUCD.INFO : " Le groupe Article 29 rappelle une évidence : pas de e-milices sur les réseaux publics d'échange " (07/03/05) 
http://eucd.info/pr-2005-03-07.fr.php 
[10] CNIL : "  Le fichage des " mauvais payeurs et des fraudeurs : rapport sur les listes noires " (07/02/04) 
" Un enregistrement de comportement délictuel présumé est dès lors plus dangereux pour les libertés que celui des décisions caratérisant tel ou tel délit après examen contradictoire."
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000689/0000.pdf 
[11] Document du G29 (18/01/05) : 
http://europa.eu.int/comm/internal_market/privacy/docs/wpdocs/2005/wp104_fr.pdf 
[12] Réglement intérieur de la CNIL 
http://www.cnil.fr/index.php?id=1387 
À propos de EUCD.INFO:

EUCD.INFO est une initiative créée par la FSF France (Fondation pour le Logiciel Libre) dont la mission est d'informer sur les conséquences sociales et économiques de la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (surnommée EUCD). Le projet de loi de transposition est programmé pour début juin 2005. Le ministre de la culture souhaite demander l'urgence sur ce texte. Sans doute pour qu'il soit examiné cet été .... 
Contact Presse : 

Christophe Espern, contact@eucd.info, 01 42 76 05 49  

Source : Liens permanents : (http://eucd.info/pr-2005-04-19.fr.php), (http://eucd.info/pr-2005-04-19-fr.pdf) 



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## Mis en ligne par Pedro le 19 avril 2005 @ 15:21:08




 
 
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