gilbert.quelennec on Tue, 29 Nov 2005 02:37:54 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] Fwd: Projection le 2 décembreà Bobigny |
Début du message réexpédié :
Projection en avant-première au Magic Cinéma à Bobigny (c'est tout près de
la sortie du métro Pablo Picasso), le vendredi 2 décembre à 20 heures 30 de :
VIVA ZAPATERO Un brûlot sous la botte de Berlusconi de Sabina Guzzanti
Le film sera suivi d'un débat en présence de la réalisatrice sur la liberté de
la presse.
4 euros - Réservations souhaitées : 01 41 60 12 33
En France : au cinéma le 21 décembre
Ce documentaire projeté à la 62e Mostra de Venise dénonce la dérive totalitaire
du système médiatique italien.
La critique qui suit est signée d'Olivier SEGURET Venise, pour Libération :
La veille de la clôture de la 62e Mostra, une grande précaution et beaucoup de
mystère ont précédé la projection surprise du documentaire de Sabina Guzzanti,
Viva Zapatero, présenté hors de toute sélection mais discrètement parrainé par
les responsables du festival. Pourquoi tant de prudence ? Parce qu’il s’agit
d’un violent brûlot anti-Berlusconi et qu’il fait précisément état de la
censure brutale, perverse et néototalitaire qui s’est abattue sur la Péninsule
et, en particulier, sur ses médias. Ceux-ci, publics ou privés, se trouvent
désormais, dans leur écrasante majorité, entre les mains du Condottiere ou de
ses sbires : soit ils lui appartiennent directement via son empire Mediaset,
soit ils sont sous son contrôle politique (le service public), soit ils lui
sont soumis par l’argent, la peur, la lâcheté.
Satire. Sabina Guzzanti est une forte personnalité du monde des spectacles
italiens. Célèbre comique et imitatrice, elle devait écrire et produire pour la
Rai, télé d’Etat, un show satirique comme il en existe dans toutes les
démocraties : le film évoque notamment l’exemple des Guignols français avec
envie et admiration. Mais, dès sa première diffusion, l’émission, baptisée
Raiot, a été brutalement débarquée, sous le prétexte de « vulgarité » et
d’insultes au gouvernement. L’affaire a fait grand bruit en Italie mais pas de
la façon qu’on aurait pu espérer : très habilement, hélas, les médias à la
solde du pouvoir ont déplacé le débat sur la nature même de la satire et, y
compris à gauche, plutôt que de se révolter solidairement ou, au minimum, de
reconnaître qu’il y avait là une censure pure et simple, on a préféré enculer
les mouches sur le thème : la Rai doit-elle être une tribune politique façon
Hyde Park Corner ?
Plutôt du genre roquet féroce, la Guzzanti a saisi l’occasion de cette mise à
pied pour enquêter, avec autant d’humour que de sérieux, auprès de la classe
politique et médiatique sur l’état de la démocratie péninsulaire.
Même si l’on éprouve une certaine jubilation à la voir mordre les mollets des
notables du berlusconisme, qu’elle traque jusque dans la rue, la riche
substance de Viva Zapatero est particulièrement angoissante et dépressive. Y
défile un cortège d’ectoplasmes veules et pleutres, pétrifiés par la peur,
quand ils ne sont pas tout bonnement cyniques et fiers de leur indignité.
On apprend énormément de choses dans ce documentaire libérateur qui sortira la
semaine prochaine dans quelques salles du pays, grâce à l’opiniâtreté du
distributeur indépendant local Lucky Red. Par exemple que l’Italie a été
sévèrement rétrogradée à la 67e place par l’Observatoire mondial des libertés
civiles. On rigole aussi plus d’une fois devant les sketches et imitations
dévastateurs de la comique-réalisatrice, sorte de Jennifer Saunders politique.
Mais on a aussi la gorge nouée devant certains témoignages recueillis, comme
celui de l’acteur de théâtre et satiriste Beppe Grillo, « ennemi numéro 1 » de
Berlusconi et à ce titre boycotté par les télés malgré sa grande popularité :
en pleine conférence de presse, il conjure les journalistes de se révolter ou,
du moins, d’écrire ce qu’ils pensent et de décrire ce qu’ils voient. L’embarras
alors lisible sur les visages est une honte pour la profession.
Larmes. Emotion plus forte encore lorsque le patriarche Giorgio Pieroni, l’un
des journalistes les plus respectés d’Italie, lui aussi viré de la Rai avec une
charrette d’insoumis bien remplie, s’étrangle dans ses larmes en évoquant le
sort des libertés et de la démocratie dans son pays (et notamment le ménage
sournois fait au quotidien Corriere della Sera).
Même glissé en catimini et sous les sarcasmes exaspérés des politiciens de la
Ligue du Nord, furieux de voir cet ovni aussi irrespectueux qu’imprévu
débarquer sur le Lido, Viva Zapatero est le film politique qui manquait à la
Mostra, celui qui appelle un fasciste un fasciste, remettant les pendules à
l’heure juste avant les festivités de clôture : en nous rappelant à quel point,
sous la botte du berlusconisme, le bel paese est défiguré, Sabina Guzzanti fait
preuve d’un courage qui devrait être naturel mais qui devient ici héroïque.
C’est elle, bien sûr, la vraie Zapatera.
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