Louise Desrenards on Wed, 26 Feb 2014 06:42:38 +0100 (CET) |
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[Nettime-fr] Le blog de Francesco Saraceno (suite de "Scandale en France") |
Ici : le blog de Francesco Saraceno le 15 janvier, JEAN-BAPTISTE HOLLANDE, cité par Paul Krugman dans son blog du 17 janvier, SCANDALE EN FRANCE, pour le New York Times, suite à la Conférence de Presse de François Hollande, le 14 janvier. Où nous découvrons à quelle sauce nous sommes mangés, et quels sont les convives. http://fsaraceno.wordpress.com/2014/01/15/jean-baptiste-hollande/ Voici une traduction approximative (merci d'envoyer les correctionss'il y a des contresens -- et ne serait-ce qu'un seul) : =======>>>> JEAN-BAPTISTE HOLLANDE Le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux. C'est donc sur l'offre qu'il faut agir. Sur l'offre ! Ce n'est pas contradictoire avec la demande. L'offre crée même la demande. François Hollande - January 14, 2014 La France est souvent citée comme "l'homme malade de l'Europe" *. Faible croissance, finances publiques en détresse, accroissement des problèmes de compétitivité, incapacité structurelle à réformer une économie sur-réglementée -- lesquelles réformes, il va sans dire ouvriraient la voie à une nouvelle ère de croissance, de productivité et de richesse. François Hollande a abordé la deuxième moitié de son mandat en souscrivant à ce point de vue. Dans la troisième conférence de Presse [14 janvier 2014] depuis qu'il est devenu président, il a exposé ses grandes lignes d'intervention pour relancer l'économie nationale, notamment une forte réduction des cotisations sociales pour les entreprises françaises (environ 30 milliards d'euros avant 2017) **, financée par des réductions pour l'instant non spécifiées dans les dépenses publiques. Lors de la conférence de Presse, il a justifié cette décision au motif que la croissance reprend lorsque les entreprises commencent à produire plus. Ainsi, nous dit-il, "C'est sur l'offre que nous devons agir. Sur l'offre ! Ce n'est pas contradictoire avec la demande. L'offre crée la demande de fait". Hmmm, laissez-moi penser... l'offre crée la demande : où ai-je lu cela ? Depuis l'époque de Say et Ricardo *** les économistes classiques ont appris que l'offre crée sa propre demande ; par là signifiant en quelque sorte, quoique pas clairement défini, le sens selon lequel tous les coûts de production doivent nécessairement être passés dans l'ensemble, directement ou indirectement, sur l'achat du produit. Dans les "Principes d'économie politique" de de John Stuart Mill, la doctrine est expressément énoncée : "Ce qui constitue le moyen de paiement pour les produits ce sont tout simplement les marchandises. Les moyens de payer de chaque personne pour les productions d'autres personnes se composent de ceux qu'elle possède elle-même. Tous les vendeurs sont inévitablement, et par la signification du mot, des acheteurs. Pourrions-nous doubler soudainement les forces productives du pays, nous devrions doubler l'offre des produits dans tous les marchés, mais nous devrions, du même coup, doubler le pouvoir d'achat. Tout le monde apporterait une double demande ainsi que l'approvisionnement, tout le monde serait en mesure d'acheter deux fois plus, parce que chacun aurait deux fois plus à offrir en échange" . [ "Principes d'économie politique", Livre III (...) ]**** Oui, c'est le chapitre deux de la Théorie générale de Keynes***** (le gras est de ma main), où il conteste le célèbre point de vue (néo)-classique que des changements de prix puissent générer la demande capable d'absorber n'importe quel niveau d'approvisionnement. Donc Hollande semble embrasser la vision de son compatriote Jean-Baptiste Say, selon laquelle pour stimuler la croissance et le bien-être il faut seulement se soucier de créer des conditions optimales pour la production et l'offre, et la demande suivra. La discussion théorique entre les économistes néoclassiques et keynésiens a alimenté la plupart des débats en macro-économie depuis que la Théorie générale a été publiée, en 1936. Et je n'ai pas l'intention d'ouvrir cette boîte de Pandore ici. Ce que je voudrais évaluer est si François Hollande parle juste quand il fait valoir qu'en abaissant de la charge fiscale des entreprises elles reprendront d'investir et d'embaucher, déclenchant ainsi la croissance et la prospérité. Heureusement, il existe un moyen presque direct d'évaluer la revendication de Hollande. Grâce à une enquête trimestrielle intéressante menée par le Bureau de statistique français, l'Insee, sur les conditions économiques rencontrées par les entreprises. L'enquête est menée depuis 1991, et on demande aux entreprises examinées d'évaluer leur situation suivant un certain nombre de dimensions, y compris le type de difficultés rencontrées (le cas échéant). En particulier, il leur est demandé si leurs difficultés peuvent être imputées à la demande, ou des facteurs liés. Et voici le résultat : [ Voir le schéma attaché en jpg, sinon aller dans le blog de Francesco Saraceno ] Un nombre de faits intéressants émerge à mes yeux : d'abord, la ligne bleue, le nombre d'entreprises confrontées à des problèmes de demande, suit de près les développements de la crise : un pic en 2008-2009 aulong de la crise financière mondiale, une forte amélioration en 2010, et puis un double creux coïncidant avec les malheurs de la dette souveraine de la zone euro. Le message semble clair : depuis le début de la crise, la difficulté pour les entreprises françaises est venue de l'insuffisance de la demande. Keynes a raison ; Say (et François Hollande, et la Commission, et Angela Merkel) ont tort. Le deuxième fait intéressant est que le taux des entreprises qui prétendent n'avoir que des problèmes d'offre (jaune) ou les deux (violet), reste globalement inchangé au long de ces mouvements cycliques. Les entreprises se déplacent de difficultés de la demande à aucune difficulté et retour, mais au cours des six dernières années, elles n'ont pas changé sensiblement d'opinion à propos de la bande rouge, la réglementation, les coûts de la main-d'oeuvre. Cela signifie que les mesures de Hollande ne sont pas susceptibles de changer radicalement l'ambiance parmi les entreprises françaises. La reprise ne viendra que lorsque la demande reprendra. Une fois de plus, Keynes a raison, Hollande et le gang ont tort. Incidemment, cette image est confirmée si l'on s'en remet à la série plus longue ; il suffit de regarder ce tableau : Entreprises françaises par sortes de difficultés Moyennes périodiques 1991-2007 2008-2013 Demande 44.2 45.4 Demand et Offre 6.9 11.0 Offre 20.6 17.1 Sans difficulté 28.4 6.7 Source: Enquête mensuelle de conjoncture dans l'Industrie Le nombre d'entreprises confrontées à des difficultés de l'offre seule ou aucune difficulté a diminué depuis 2008, et celles qui rencontrent des difficultés de la demande (seule ou en même temps que l'offre) a considérablement augmenté. Est- ce à dire que tout va bien en France ? Bien sûr que non. La charge sur les entreprises françaises, et en particulier le coin fiscal, est un problème pour leur compétitivité. Trouver des moyens de réduire, en principe c'est une bonne chose. Le problème est le séquençage et les priorités. Les entreprises françaises semblent être d'accord avec moi que la priorité aujourd'hui soit de redémarrer la demande, et qu'en le faisant cela " va créer son offre propre". Sinon, les entreprises françaises plus compétitives, dans un contexte de stagnation de la demande globale, ne seront pas en mesure d'exporter. Une adoption du modèle allemand dix années en retard. J'ai déjà dit plusieurs fois que le séquençage en matière de réformes est presque aussi important que le type de réformes mises en oeuvre. Je suis sûr que François Hollande pouvait mieux faire... Francesco Saraceno Économiste né en Italie et travaillant en France, chercheur http://fsaraceno.wordpress.com/about/ (traduction sous réserve par Louise D. pour ses petits camarades :-) Notes : * "Homme malade de l'Europe", "Sick Man of Europe" : http://en.wikipedia.org/wiki/Sick_man_of_Europe http://fr.wikipedia.org/wiki/Homme_malade_de_l%27Europe Depuis le mois le début du printemps 2013, dans la Presse internationale différents journalistes ont repris ce terme des économistes observateurs de l'Europe et de Bruxelles, reprenant eux-mêmes un vieil adage à propos de la Russie tzarine de Nicolas II, pour désigner la France comme un État en difficulté (à l'instar de ses prédécesseurs suite à des crises économiques graves et/ou liées à la monnaie) : http://www.globalpost.com/dispatch/news/regions/europe/france/130417/france-europe-euro-zone-crisis * * Il s'agit du fondement du principe économique de l'échange du "Pacte de responsabilité" avec le MEDEF, selon lequel plus d'embauche serait théoriquement possible : http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/09/les-trois-lectures-possibles-du-pacte-de-responsabilite-de-francois-hollande_4345141_3234.html * * * Jean-Baptiste Say (1767-1832) est le principal économiste classique français : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Say -- David Ricardo (1772- 1823), est un économiste anglais du XIXe siècle : http://fr.wikipedia.org/wiki/David_Ricardo * * * * John Stuart Mill, "Principes d"économie politique", librement téléchargeable dans le site Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5456397jLa référence bibliographique donnée par Keynes doit correspondre à l'édition originale en anglais mais en tous cas ne correspond pas à l'édition traduite en français par Léon Roquet, en 1848. * * * * * John Maynard Keynes, Chapter 2, Section VI, p. 18 The General Theory of Employment, Interest and Money,(1936) http://www.marxists.org/reference/subject/economics/keynes/general-theory/ch02.htm#vi en français : http://classiques.uqac.ca//classiques/keynes_john_maynard/theorie_gen_emploi/theorie_emploi.html La référence bibliographique donnée par l'auteur ne correspond pas à l'édition traduite en français par Jean- de Largentaye (1942). -- Récapitulatif de la généalogie et la critique de "L'offre crée sa propre demande" (Say +) : http://en.wikipedia.org/wiki/Supply_creates_its_own_demand -- -----
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