Herve Le Crosnier on Sat, 11 Dec 1999 10:36:22 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] Reuters rachète les données de la République |
Bonjour, J'aime les titres provocateurs. Ils permettent aux âmes sensibles d'éviter de regarder en face le fond du problème en s'attachant à l'ampleur de la caricature. J'aime aussi les dessins de presse, qui disent avec férocité bien plus que ce qu'il n'est de bon aloi de dire, et sont de ce fait bien souvent plus proches de la réalité. Alors écrire en titre que Reuters se paye l'Etat est bien évidemment moins soft que de dire comme le journal "La Tribune" qui a levé le lièvre aujourd'hui : "Reuters est sur le point de s'offrir l'agence française ORT" (La Tribune - Archive du 99/12/09 - http://www.archives.latribune.fr/sbin/iarecord?NS-search-set=/3850e/aaaa000l j50e60a&NS-doc-offset=0&NS-adv-search=1& ) Mais au fait qui est donc cet ORT qu'une grande multinationale de l'information peut ainsi acheter pour 300 à 400 millions de francs ? L'article de la tribune reste évasif (est-ce parce que ORT gère leurs archives ?). Ce serait une petite entreprise qui a basé son succès sur "l'exploitation des données des registres du commerce (bilans, incidents de paiement, etc.) via une mission de service public que lui a concédée l'INPI (Institut national de la propriété industrielle). " Rien de moins qu'un succès commercial adossé sur une mission de service public, mais qui fait de ORT le premier diffuseur français d'information commerciale. Un statut qui continuera, même si c'est maintenant la transnationale pas française du tout Reuters qui tiendra les cordons de la bourse (et engrangera les bénéfices... d'une concession de service public : "C'est ce noyau dur d'activités qui devrait être repris par Reuters. Il représente un chiffre d'affaires d'environ 280 millions de francs et un résultat net compris entre 8 et 10 millions de francs." La Tribune) Bon et alors, pas de quoi faire un titre aussi provoquant. D'autant que l'on nous assure : "Jean-Paul Galande [pdg d'ORT] entend en effet conserver la partie plus spécifiquement dédiée à la gestion de fonds documentaires de la presse francophone (La Tribune, Les Echos, mais aussi le principal concurrent de l'acheteur, l'Agence France-Presse) et à l'exploitation de bases de données juridiques, tel Legis France." Une phrase anodine, dans le coeur d'une dépêche consacrée à la gloire de ce rachat juteux. Mais enfin, ce fameux ORT est quand même bien le concussionnaire des données publiques françaises. Un statut confirmé suite au décret scélérat "num. 96-481 du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques". Il y a urgence à libérer les données publiques !!! C'est le rôle d'un service public, non seulement de produire les données fondamentales nécessaires à la démocratie, mais aussi de les diffuser à toute la société. En laissant s'installer ce circuit pervers qui permet à une société privée non pas d'être "prestataire de service" pour le compte de l'Etat (ce qui dans un domaine aussi mouvant que les nouvelles technologies peut parfois se comprendre) mais bien "concessionnaire" d'un bien public essentiel de la démocratie que sont les données publiques, l'Etat a introduit un vice profond dans l'organisation démocratiques de la société. Car malgré les appels répétés aux "règles de la concurrence", le décret scélérat a aussi laissé au concessionnaire le soin et le droit de gérer la revente des données publiques. Y compris la revente gratuite sur les services web de l'Etat !! Des données qui sont donc payées deux fois par le public qui n'y peut mais, le décret ayant interdit aux administration de diffuser elles-mêmes leurs données. De surcroit, ce décret qui permet une telle appropriation privée est doublé de la loi de juillet 99 concernant le droit d'auteur sur les banques de données. Une loi qui laisse à ORT des droit sur les données publiques... par le biais de leur organisation informatique ! Alors que les couloirs bruissent depuis juin 97 de volontés de réduire cette situation ubuesque (déclaration de Jean-Noel Tronc aux rencontres d'Autrans de janvier 98), le temps passant, on mesure cependant la faiblesse de la volonté politique à l'absence de décisions concrètes. En attendant que la-dite société concussionnaire ait envie de vendre nos données publiques, comme elle vient de vendre l'accès aux comptes des entreprises, données collectées et organisées par l'INPI sur des missions de service public. Peut-on accepter que les données publiques puissent être à vendre aux transnationales au travers des rachats boursiers de "petites entreprises" devenues grosses en se nourrissant sur le dos du service public. Le rachat par Reuters, en modifiant la donne doit être l'occasion pour l'Etat de récupérer au nom de nous tous les données publiques en sortant de ce système piège de la concession. Question subsidiaire : ORT gérant le site de l'Assemblée Nationale, est-ce que ce travail rentre dans le deal commercial ? Est-ce que Reuters devient le fournisseur patenté de l'information de cette vénérable institution ? Hervé Le Crosnier Herve.Le_Crosnier@info.unicaen.fr http://www.info.unicaen.fr/herve/ _______________________________________________ #<nettime-fr@ada.eu.org> est une liste francophone de politique, art,culture et net, annonces et filtrage collectif de textes. #Cette liste est moderee, pas d'utilisation commerciale sans permission. #Archive: http://www.nettime.org contact: nettime@bbs.thing.net #Pour vous desabonner de cette liste, suivez les instructions sur <A HREF=http://ada.eu.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr>http://ada.eu.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr</A> #contact humain <A HREF=mailto:nettime-fr-admin@ada.eu.org>nettime-fr-admin@ada.eu.org</A>